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Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée; car chacun pense en être si bien pourvu
que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point
coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se
trompent: mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai
d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement
égale en tous les hommes; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que
les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos
pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez
d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont
capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne marchent
que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin,
que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent.
(Début de la première partie)
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...Et comme la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu'un Etat
est bien mieux réglé lorsque, n'en ayant que fort peut, elles y sont fort étroitement
observées; ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée,
je crus que j'aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante
résolution de ne manquer pas une seule fois a les observer.
Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment
être telle; c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne
comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si
distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute.
Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles
qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre.
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commencçant par les objets les plus
simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à
la connoissance des plus composés, et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent
point naturellement les uns les autres.
Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales,
que je fusse assuré de ne rien omettre.
(seconde partie)
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