Miguel de Unamuno (1864 - 1936)
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Le sentiment tragique de la vie (1912)
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...la philosophie s'unit plutôt à la poésie qu'à la science.
(p.12)
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Notre philosophie, c'est à dire notre manière de comprendre ou de ne pas comprendre
le monde et la vie, jaillit de notre sentiment touchant à la vie même.
(p13)
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Ce n'est pas nos idées qui nous font optimistes ou pessimistes, c'est notre optimisme
ou notre pessimisme d'origine physiologique ou au besoin pathologique, l'un autant que
l'autre, qui fait nos idées.
L'homme dit-on est un être raisonable. Je ne sais pas pourquoi l'on n'a pas dit que c'est
un animal affectif ou sentimental. Et peut-être ce qui le différencie des autres animaux
est-il plus le sentiment que la raison.
(p.13)
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Quiconque lit avec attention et sans oeillères la «Critique de la Raison Pratique» verra
que, rigoureusement, l'existence de Dieu y est déduite de l'immortalité de l'âme, et non
celle-ci de celle-là. L'impératif catégorique nous amène à un postulat moral qui exige
à son tour, dans l'ordre téléologique ou plutôt eschatologique, l'immortalité de l'âme;
et pour soutenir cette immortalité apparaît Dieu. Tout le reste est un escamotage de
professionnel de la philosophie.
(p.15)
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Vouloir être autre, c'est vouloir cesser d'être ce qu'on est.
(p.20)
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La conscience est une maladie.
(p.30)
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La bonté est la meilleure source de clairvoyance spirituelle.
(p.41)
(Edition Gallimard. 1937. Collection Idées 1965)
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Un discours de Miguel de Unamuno
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Le plus grand discours politique du XXème siècle en est aussi le discours le plus court.
Oeuvre d'un philosophe immergé dans la catégorie de l'action au dernier degré quand il le prononce.
Situation assez rare pour un philosophe. De là sans doute sa force stupéfiante, surpassant en
courage et en intelligence ce qu'on peut entendre d'ordinaire en cette fin de siècle.
Le discours, contextualisé par Frédéric Rossif et traduit par Madeleine Chapsal pour
le film «Mourir à Madrid»:
«Franco déclare : «Je ferai, s'il le faut, fusiller la moitié de l'Espagne.»
Personne ne répond. Personne ne proteste. Sauf un homme. Le vieux philosophe Miguel de Unamuno,
(...) recteur de l'Université de Salamanque, maître à penser de sa génération, resté à la tête de
son université en territoire nationaliste. Le «Jour de la fête de la race» à Salamanque,
dans le grand amphithéatre de de l'Université, le général franquiste Millan Astray, mutilé de
guerre injurie la Catalogne et le Pays Basque, tandis que ses partisans hurlent : «Vive la
mort !».
Unamuno se lève lentement et dit : «Il y a des circonstances où se taire est mentir. Je
viens d'entendre un cri morbide et dénué de sens : vive la mort ! Ce paradoxe barbare est
pour moi répugnant. Le général Millan Astray est un infirme. Ce n'est pas discourtois.
Cervantes l'était aussi. Malheureusement, il y a aujourd'hui, en Espagne, beaucoup trop
d'infirmes. Je souffre à la pensée que le général Millan Astray pourrait fixer les bases d'une
psychologie de masse. Un infirme qui n'a pas la grandeur d'âme d'un Cervantes recherche
habituellement son soulagement dans les mutilations qu'il peut faire subir autour de lui.»
S'adressant ensuite personnellement à Millan Astray : «Vous vaincrez, parce que vous possédez
plus de force brutale qu'il ne vous faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre,
il faudrait que vous persuadiez. Or, pour persuader, il vous faudrait avoir ce qui vous
manque : la Raison et le Droit dans la lutte. Je considère comme inutile de vous exhorter à
songer à l'Espagne. J'ai terminé.» Consigné sur ordre à son domicile, Miguel de Unamuno mourut le
coeur brisé, quelques semaines plus tard.»
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